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Journal De 7818 Pte. Lucien LaRue, F Coy. 2e SS Bn, RCRI Guerre d’Afrique du Sud, 1899-1900.
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— Larue, L., Lieut. 87th Quebec Battalion…Regt. No. 7818, Pte. F Company 2e SS Bn. RCRI…Wounded Paardeberg, Feb., 18, 1900. LaRue était un camarade joyeux et plein de vie, après être sorti de l’hôpital il rejoignit le régiment a Bloemfontain mais les fièvres devaient en faire une victime et il mourut a Wynberg le jour de notre fête nationale le 24 juin 1900,
Feu M. Lucien LaRue LUCIEN LARUE, — dont nous annoncions la mort, hier, n’était âgé que de vingt-cinq ans. C’est bien jeune pour mourir, quand la vie aurait pu avoir pour lui tant de charmes et quand tout dans l’avenir semblait lui sourire. M. LaRue aimait beaucoup la vie militaire. Il était lieutenant dans le 87e bataillon, il avait aussi été sergent dans le 9e Voltigeurs, et il avait fait son cours militaire â Saint-Jean. Depuis six ans, il était employé à la Banque Nationale. C’était un excellent sujet qui jouissait de la confiance de ses chefs. La dernière lettre du défunt, adressée à sa soeur, était datée du 13 mai, de l’hôpital Adinburg, Norvals Pont. Il écrivait: Me voici de nouveau à l’hôpital, après en être sorti le premier avril. Je souffre du rhumatisme cette fois; je ne suis pas le seul. Une quarantaine de mon régiment souffrent du même mal. J’en veux à mon ami le Dr Fiset, qui m’a laissé en arrière de mon régiment à Bloemfontein, au moment où il partait pour la conquête de Pretoria…Les fièvres font bien des victimes dans notre régiment. Pour notre compte, nous avons à déplorer la mort de vingt-cinq camarades durant notre séjour â Bloemfontein, et un grand nombre sont dans les hôpitaux. Notre excellent chapelain, le Père O’Leary, a eu les fièvres lui aussi; il a beaucoup maigri. On doit, dans quelques jours, le transporter à Capetown, pour sa convalescence.
JOURNAL DE LUCIEN LARUE…— A bord du Sardinian, 31 Octobre.— Voie! mon premier moment de repos, depuis notre départ de Québec. J’aurais voulu jeter quelques notes sur le papier dès hier soir, mais la chose n’était pas possible, vu que mon lit se trouve situé au plafond du second étage du bateau et qu’il n’y a pas de lumière. Du reste, nos bagages ne sont pas encore débrouillés et je n’ai pas encore réussi à mettre la main sur mon sac blanc qui contient mon papier, mon encre, tout ce qu’il me faut pour écrire. En bon soldat, je m’accommode de tout : à défaut de papier, je jette à la hâte, mes impressions sur le revers d’une carte d’Afrique, de ce pays où nous devrons trouver peut-être la mort, mais sûrement la gloire pour ceux qui survivront.
Au moment où nous avons quitté Québec, j’étais profondément ému. Je n’étais pas le seul non plus. Bien des circonstances contribuaient à nous émouvoir : d’abord nous quittions la patrie, nos parents, peut-être pour toujours; et, puis la belle démonstration que la ville de Québec nous avait faite, la chaude sympathie que sa population nous avait témoignée, nous avaient profondément bouleversés.
1er Novembre 1899. — La mer commence à se fâcher; nous avons un commencement de tempête. Un bon tiers des hommes souffrent du mal de mer. Les officiers ont fait distribuer des citrons et des oranges aux malades. Dieu merci, je suis bien et j’espère tenir bon jusqu’au bout. Cela va me valoir la faveur d’être attaché au service de l’hôpital.
« En bon voyageur que je suis, en arrivant à bord, je me suis mis au mieux avec le cuisinier, qui de temps à autre me passe des petites douceurs. La nourriture est bonne.
« Après le souper, j’ai rencontré sur le pont, une vingtaine d’Ecossais de Toronto, réunis en cercle. Ils m’ont invité à me joindre à eux. Ce sont de charmants compagnons et bien déterminés à faire leur devoir en Afrique.
2 Novembre 1899. — Il fait une véritable tempête. La plupart des officiers et les trois-quarts des soldats sont malades. Quant à moi je me porte comme un charme. Je viens justement de porter secours à mon camarade Hudon qui était disparu de notre cercle depuis hier midi. J e l’ai trouvé blotti dans un coin du navire, exténué, pouvant à peine parler. Il n’avait pas mangé depuis hier matin, et personne n’avait remarqué son absence. Avec l’aide du lieutenant Leduc, je l’ai transporté à l’hôpital.
3 Novembre 1899. — C’a été une triste journée pour nous. Le deuil est à bord, la mort a déjà saisi l’un de nos camarades, Deslauriers, de la compagnie d’Ottawa. Il a succombé, hier soir, à une maladie de coeur, malgré tous les soins des docteurs Wilson et Fiset. Je viens d’assister à ses funérailles. Quel pénible spectacle! A quatre heures, sa compagnie se mit sous les armes pour lui rendre les derniers honneurs. Le corps avait été placé dans un hamac dans lequel on avait mis un poids destiné à le faire enfoncer. La dépouille mortelle de notre camarade avait été enveloppée dans les plis de ce drapeau anglais pour lequel il était prêt à donner sa vie. Sous l’éclatante lumière du soleil couchant, M. l’abbé O’Leary lut les prières ordinaires, puis, le corps glissa dans la mer, et la vague mugissante rompait seule le silence solennel qui existait sur le pont. Le Sardinian reprit aussitôt sa course. La brise est très forte et soulève la mer d’une façon terrible. Les vagues s’élèvent jusqu’à une hauteur de quarante pieds et viennent quelquefois nous abîmer. Ça vaut un beau bain d’orage.
7 Novembre 1899. — La journée d’hier a été très occupée, je n’ai pas eu un instant pour écrire. Il est bon d’observer que l’on nous fait faire, à tour de rôle, des exercices militaires, pendant trois heures par jour. Lesmédecins nous ont tous vaccinés et le perruquier nous a enlevé la chevelure; les Boers n’auront pas de chance à nous prendre aux cheveux. Une agréable surprise nous attendait après ces opérations. Le commandant fit appeler notre compagnie et remit à chacun de nous la somme de vingt-cinq dollars provenant de la généreuse souscription faite par les citoyens de Québec. Québec nous poursuit de ses bienfaits jusqu’au milieu de la mer. L’harmonie et la bonne entente qui régnent à bord sont admirables...............
Voici maintenant ce que Lucien LaRue écrit à son père: — Cape-Town, 1er décembre 1899. — Mon cher père, Nous partons dans dix minutes pour la campagne; on nous dirige sur Kimberley. Nous avons eu une reception enthousiaste à Cape-Town, le gouverneur de la ville était en tête de la population. L’état-major du général Buller préside à notre départ aujourd’hui.
11 1/4 heures a. m., 2 décembre. En chemin de fer. — Nous voilà partis en route pour Kimberley. Nous avons laissé Cape-Town, à trois heures p.m., hier. Entre Cape-Town et Prince Albert station, nous avons rencontré trois trains portant les pauvres soldats blessés venant de Kimberley. Le pays que nous parcourons est vraiment enchanteur et nous en admirons à loisir pour le moment toutes les beautés. Il fait très chaud…
…Nous aurons à faire face à l’ennemi demain. Quel sera notre sort?…Dieu le sait; cela suffit au soldat chrétien décidé à accomplir son devoir, et nous sommes tous bien déterminés à faire honneur au drapeau.
Prince Albert Road Station, 2 décembre 1899. 11 heures du matin. — Enfin! nous y sommes. Nous a ons l’honneur d’être sur le terrain ennemi depuis quelques minutes. Un quart d’heure d’arrêt à cette station du chemin pour prendre le lunch, et nous continuons notre marche en avant. C’est demain que nous rencontrons les Boers; à la grâce de Dieu!…Nous sommes tous bien portants et prêts à sacrifier nos vies pour l’honneur du Canada.
LA BATAILLE D’il IL FUT BLESSÉ RACONTÉE PAR LUI-MÊME…LE NOBLE JEUNE HOMME REVIT TOUT ENTIER D’ANS CES LIGNES…Hôpital Naauwport, 3 mars 1900. — Mon cher père, Comme tu le vois, je t’écris de l’hôpital où je devrai passer quelque temps grâce à une politesse de nos amis les Boers. J’espère n’être pas retenu trop longtemps, car, malgré que je sois très bien traité ici, c’est une vie ennuyeuse et monotone après l’existence que j’ai menée depuis mon arrivée dans ce lointain pays d’Afrique. On a beau dire, la vie militaire malgré ses fatigues et ses périls a aussi ses charmes. Il y a bien, sans doute, l’ennui, le regret d’être éloigné de tout ce qui nous est cher; mais d’un autre côté le désir de faire honneur à son pays, à sa race, la pensée de conquérir un peu de gloire sur le champ de bataille nous met au coeur un courage que l’on ne saurait peut-être pas soupçonner tout d’abord...............
Le moment est solennel, l’heure est décisive. Nous formons d’abord la troisième ligne de feu: les Gordons, les Black Watchs, les Cornwalls, les Highland Light Infantry forment les premières lignes de feu en front et en flanc. L’artillerie se tient à notre gauche avec deux gros canons de la marine royale. Aussitôt les Boers concentrent leurs forces sur nous. Dix minutes après que nous avons ainsi pris position, les Boers ouvrent le feu sur nous, les balles sifflent à nos oreilles et nous ôtent toute envie de dormir. Il est facile de voir que la partie va être chaude des deux côtés. Cependant ce bruit des balles nous électrise, nous enrage presque, et nous rétorquons de notre mieux. Le premier qui tombe blessé à la tête, est le capitaine Arnold de la compagnie A du régiment canadien. On le place sur un brancard (streter bearer) et on le transporte hors des lignes. Hélas! son exemple fut suivi par d’autres; a toute minute nous voyons tomber de nos braves Canadiens, les uns blessés légèrement, les autres grièvement..............
A une heure, nous avançons de quatre cents verges. Les morts et les blessés se comptent alors par centaines. C’est horrible à voir. La fusillade ralentit du côté des Boers et nous nous demandons s’ils ne sont pas à retraiter, ou s’ils n’attendent pas plutôt le moment propice pour recommencer le feu. A quatre heures les Boers recommencent l’attaque d’une façon terrible. Nous sommes couchés par terre et c’est quelque ehose de lamentable que les cris et les gémissements des blessés qui parviennent à nos oreilles. Nous ne pouvons pas leur porter secours, la bataille se continue, terrible, meurtrière. Il est cinq heures et notre vaillant et brave commandant, le major Oscar Pelletier, donne ordre à la compagnie F de marcher à pas redoublés dans la première ligne du feu. Celle-ci obéit à l’instant à son chef qui donne l’exemple de la bravoure et du devoir. C’est à ce moment que nous voyons la mort approcher, mais nous courons au-devant en vrais soldats. A peine avais-je fait vingt pas qu’une balle m’atteignit à l’épaule droite et que je vis un flot de sang sortir de ma blessure............
N’importe si nous avons eu de la misère, si nous avons versé du sang, nous nous en consolons en songeant que nous avons remporté la victoire et mis Cronje prisonnier avec une partie de son armée. Puisse cet événement hâter la fin de cette guerre meurtrière. Dans cette journée du iS les Anglais ont eu trois cent cinquante morts et quatre-vingts blessés. J’aimerais beaucoup te donner beaucoup plus de détails, mais je me sens trop affaibli. Dans quelques jours je pourrai t’écrire plus au long. Ne prends pas d’inquiétude, ma blessure va bien, elle commence à se cicatriser et j’espère pouvoir sous peu reprendre mon service et rendre le change aux Boers. C’est si beau la revanche, quand on est militaire…
Bloemfontein, 8 avril. — Je t’avouerai que ceux de mon régiment qui ont eu à combattre sans interruption depuis le 18 février et qui n’ont pas été blessés dans ces batailles ont plus de mérite que mes camarades et moi, blessés à la première bataille de Paardeberg ; car ceux-là ont eu à souffrir de la faim, de la soif, des fatigues et de la maladie. Quand je te dirai que quelques-uns d’entre eux se trouvaient fiers quand ils pouvaient trouver un mouton mort de maladie, ou bien de la fleur mêlée de boue et d’eau qu’ils faisaient cuire dans de la graisse de bottes…C’est la plus dure campagne qui se soit jamais vue jusqu’à ce jour, disent les officiers anglais. Mon régiment reviendra au Canada avec les lauriers de la victoire, car nous avons fait de l’ouvrage qui a réussi. Notre brigade ainsi que notre division a été victorieuse jusqu’aujourd’Hui. A ma compagnie (F) revient l’honneur d’avoir capturé Cronje et quatre mille prisonniers; à mon régiment, d’avoir repoussé l’ennemi jusqu’à trente milles de Bloemfontein, et j’ose espérer que nous serons victorieux jusqu’à Pretoria, où là nous pourrons chanter tranquillement la chanson composée par mon cher ami Donohue: The Jolly Musketeers, chanson qui égaie nos marches et nous donne de l’électricité dans les jambs…
A SA SCEUR. — Bloemfontein, 26 avril. — …Je viens causer quelques instants avec toi, car je suis seul ici, mon régiment étant parti depuis quatre jours qu’il combat les Boers. Lorsque le régiment s’est formé pour la parade avant le départ, je m’étais mis dans les rangs pensant qu’on ne m’apercevrait pas. A l’inspection, on me fit sortir des rangs ne me trouvant pas assez fort pour entreprendre la marche. Aussi j’enrage! Quoique les nouvelles soient bien difficiles à avoir, je puis te dire que lord Roberts ne peut plus se passer des Canadiens, tant il apprécie leur courage, leur bravoure et leur endurance…
A SON PÈRE. — …J ‘ai oublié de te dire que quelques minutes avant de traverser la Modder River à pied, le 18 février, pour prendre notre position sur le champ de bataille, le général Smith-Dorien, brigadier général de notre division, est venu trouver le colonel Otter et lui a dit: I am proud that your régiment, the Royal Canadian, under my cornmand today belong to the same Empire that I belong, et continuant: — No, no, I want to say… That I am proud to belong to the same Empire that the Royal Canadian belong…
MORT AU CHAMP D’HONNEUR! — Lt Soleil publie à l’occasion de la mort du fils de notre ami, le Dr Léonidas LaRue, de Québec, un article remarquable dont nous nous plaisons à citer les passages suivants: — Que la mort de ce jeune homme soit donc une leçon pour les fanatiques qui nous dénoncent comme des sujets déloyaux, parce que nous continuons à aimer la France, tout en restant fidèles à l’Angleterre. Voici un enfant de Québec, de cette vieille ville française, un Canadien-français lui-même, appartenant à l’une de nos meilleures familles, qui abandonne une jolie position à la banque Nationale, pour aller défendre le drapeau britannique. Après toute espèce de privations et de misères, il est blessé; il va plus tard mourir à l’hôpital, loin de tous ceux qu’il aime. Et c’est en face de pareils dévouements, de pareille générosité que l’on oserait accuser notre race de déloyauté? Allons donc! Est-ce que le sang versé par les nôtres n’est pas plus éloquent que les flots d’encre répandus par ceux qui nous insultent?
Pauvre Lucien LaRue! Il est mort au moment où nos soldats sont sur le point de revenir. Il ne connaîtra pas les joies du retour. Cette voie triomphale, cet innombrable peuple, ces acclamations semblables au bruit de la mer, les fleurs sur les armes victorieuses, ces soldats si graves au milieu de leur gloire, si brillants dans leurs habits fatigués, si modestes sous leurs blessures, il ne verra pas cela.
C.U.
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— Larue, L., Lieut. 87th Quebec Battalion…Regt. No. 7818, Pte. F Company 2e SS Bn. RCRI…Wounded Paardeberg, Feb., 18, 1900. LaRue était un camarade joyeux et plein de vie, après être sorti de l’hôpital il rejoignit le régiment a Bloemfontain mais les fièvres devaient en faire une victime et il mourut a Wynberg le jour de notre fête nationale le 24 juin 1900,
Feu M. Lucien LaRue LUCIEN LARUE, — dont nous annoncions la mort, hier, n’était âgé que de vingt-cinq ans. C’est bien jeune pour mourir, quand la vie aurait pu avoir pour lui tant de charmes et quand tout dans l’avenir semblait lui sourire. M. LaRue aimait beaucoup la vie militaire. Il était lieutenant dans le 87e bataillon, il avait aussi été sergent dans le 9e Voltigeurs, et il avait fait son cours militaire â Saint-Jean. Depuis six ans, il était employé à la Banque Nationale. C’était un excellent sujet qui jouissait de la confiance de ses chefs. La dernière lettre du défunt, adressée à sa soeur, était datée du 13 mai, de l’hôpital Adinburg, Norvals Pont. Il écrivait: Me voici de nouveau à l’hôpital, après en être sorti le premier avril. Je souffre du rhumatisme cette fois; je ne suis pas le seul. Une quarantaine de mon régiment souffrent du même mal. J’en veux à mon ami le Dr Fiset, qui m’a laissé en arrière de mon régiment à Bloemfontein, au moment où il partait pour la conquête de Pretoria…Les fièvres font bien des victimes dans notre régiment. Pour notre compte, nous avons à déplorer la mort de vingt-cinq camarades durant notre séjour â Bloemfontein, et un grand nombre sont dans les hôpitaux. Notre excellent chapelain, le Père O’Leary, a eu les fièvres lui aussi; il a beaucoup maigri. On doit, dans quelques jours, le transporter à Capetown, pour sa convalescence.
JOURNAL DE LUCIEN LARUE…— A bord du Sardinian, 31 Octobre.— Voie! mon premier moment de repos, depuis notre départ de Québec. J’aurais voulu jeter quelques notes sur le papier dès hier soir, mais la chose n’était pas possible, vu que mon lit se trouve situé au plafond du second étage du bateau et qu’il n’y a pas de lumière. Du reste, nos bagages ne sont pas encore débrouillés et je n’ai pas encore réussi à mettre la main sur mon sac blanc qui contient mon papier, mon encre, tout ce qu’il me faut pour écrire. En bon soldat, je m’accommode de tout : à défaut de papier, je jette à la hâte, mes impressions sur le revers d’une carte d’Afrique, de ce pays où nous devrons trouver peut-être la mort, mais sûrement la gloire pour ceux qui survivront.
Au moment où nous avons quitté Québec, j’étais profondément ému. Je n’étais pas le seul non plus. Bien des circonstances contribuaient à nous émouvoir : d’abord nous quittions la patrie, nos parents, peut-être pour toujours; et, puis la belle démonstration que la ville de Québec nous avait faite, la chaude sympathie que sa population nous avait témoignée, nous avaient profondément bouleversés.
1er Novembre 1899. — La mer commence à se fâcher; nous avons un commencement de tempête. Un bon tiers des hommes souffrent du mal de mer. Les officiers ont fait distribuer des citrons et des oranges aux malades. Dieu merci, je suis bien et j’espère tenir bon jusqu’au bout. Cela va me valoir la faveur d’être attaché au service de l’hôpital.
« En bon voyageur que je suis, en arrivant à bord, je me suis mis au mieux avec le cuisinier, qui de temps à autre me passe des petites douceurs. La nourriture est bonne.
« Après le souper, j’ai rencontré sur le pont, une vingtaine d’Ecossais de Toronto, réunis en cercle. Ils m’ont invité à me joindre à eux. Ce sont de charmants compagnons et bien déterminés à faire leur devoir en Afrique.
2 Novembre 1899. — Il fait une véritable tempête. La plupart des officiers et les trois-quarts des soldats sont malades. Quant à moi je me porte comme un charme. Je viens justement de porter secours à mon camarade Hudon qui était disparu de notre cercle depuis hier midi. J e l’ai trouvé blotti dans un coin du navire, exténué, pouvant à peine parler. Il n’avait pas mangé depuis hier matin, et personne n’avait remarqué son absence. Avec l’aide du lieutenant Leduc, je l’ai transporté à l’hôpital.
3 Novembre 1899. — C’a été une triste journée pour nous. Le deuil est à bord, la mort a déjà saisi l’un de nos camarades, Deslauriers, de la compagnie d’Ottawa. Il a succombé, hier soir, à une maladie de coeur, malgré tous les soins des docteurs Wilson et Fiset. Je viens d’assister à ses funérailles. Quel pénible spectacle! A quatre heures, sa compagnie se mit sous les armes pour lui rendre les derniers honneurs. Le corps avait été placé dans un hamac dans lequel on avait mis un poids destiné à le faire enfoncer. La dépouille mortelle de notre camarade avait été enveloppée dans les plis de ce drapeau anglais pour lequel il était prêt à donner sa vie. Sous l’éclatante lumière du soleil couchant, M. l’abbé O’Leary lut les prières ordinaires, puis, le corps glissa dans la mer, et la vague mugissante rompait seule le silence solennel qui existait sur le pont. Le Sardinian reprit aussitôt sa course. La brise est très forte et soulève la mer d’une façon terrible. Les vagues s’élèvent jusqu’à une hauteur de quarante pieds et viennent quelquefois nous abîmer. Ça vaut un beau bain d’orage.
7 Novembre 1899. — La journée d’hier a été très occupée, je n’ai pas eu un instant pour écrire. Il est bon d’observer que l’on nous fait faire, à tour de rôle, des exercices militaires, pendant trois heures par jour. Lesmédecins nous ont tous vaccinés et le perruquier nous a enlevé la chevelure; les Boers n’auront pas de chance à nous prendre aux cheveux. Une agréable surprise nous attendait après ces opérations. Le commandant fit appeler notre compagnie et remit à chacun de nous la somme de vingt-cinq dollars provenant de la généreuse souscription faite par les citoyens de Québec. Québec nous poursuit de ses bienfaits jusqu’au milieu de la mer. L’harmonie et la bonne entente qui régnent à bord sont admirables...............
Voici maintenant ce que Lucien LaRue écrit à son père: — Cape-Town, 1er décembre 1899. — Mon cher père, Nous partons dans dix minutes pour la campagne; on nous dirige sur Kimberley. Nous avons eu une reception enthousiaste à Cape-Town, le gouverneur de la ville était en tête de la population. L’état-major du général Buller préside à notre départ aujourd’hui.
11 1/4 heures a. m., 2 décembre. En chemin de fer. — Nous voilà partis en route pour Kimberley. Nous avons laissé Cape-Town, à trois heures p.m., hier. Entre Cape-Town et Prince Albert station, nous avons rencontré trois trains portant les pauvres soldats blessés venant de Kimberley. Le pays que nous parcourons est vraiment enchanteur et nous en admirons à loisir pour le moment toutes les beautés. Il fait très chaud…
…Nous aurons à faire face à l’ennemi demain. Quel sera notre sort?…Dieu le sait; cela suffit au soldat chrétien décidé à accomplir son devoir, et nous sommes tous bien déterminés à faire honneur au drapeau.
Prince Albert Road Station, 2 décembre 1899. 11 heures du matin. — Enfin! nous y sommes. Nous a ons l’honneur d’être sur le terrain ennemi depuis quelques minutes. Un quart d’heure d’arrêt à cette station du chemin pour prendre le lunch, et nous continuons notre marche en avant. C’est demain que nous rencontrons les Boers; à la grâce de Dieu!…Nous sommes tous bien portants et prêts à sacrifier nos vies pour l’honneur du Canada.
LA BATAILLE D’il IL FUT BLESSÉ RACONTÉE PAR LUI-MÊME…LE NOBLE JEUNE HOMME REVIT TOUT ENTIER D’ANS CES LIGNES…Hôpital Naauwport, 3 mars 1900. — Mon cher père, Comme tu le vois, je t’écris de l’hôpital où je devrai passer quelque temps grâce à une politesse de nos amis les Boers. J’espère n’être pas retenu trop longtemps, car, malgré que je sois très bien traité ici, c’est une vie ennuyeuse et monotone après l’existence que j’ai menée depuis mon arrivée dans ce lointain pays d’Afrique. On a beau dire, la vie militaire malgré ses fatigues et ses périls a aussi ses charmes. Il y a bien, sans doute, l’ennui, le regret d’être éloigné de tout ce qui nous est cher; mais d’un autre côté le désir de faire honneur à son pays, à sa race, la pensée de conquérir un peu de gloire sur le champ de bataille nous met au coeur un courage que l’on ne saurait peut-être pas soupçonner tout d’abord...............
Le moment est solennel, l’heure est décisive. Nous formons d’abord la troisième ligne de feu: les Gordons, les Black Watchs, les Cornwalls, les Highland Light Infantry forment les premières lignes de feu en front et en flanc. L’artillerie se tient à notre gauche avec deux gros canons de la marine royale. Aussitôt les Boers concentrent leurs forces sur nous. Dix minutes après que nous avons ainsi pris position, les Boers ouvrent le feu sur nous, les balles sifflent à nos oreilles et nous ôtent toute envie de dormir. Il est facile de voir que la partie va être chaude des deux côtés. Cependant ce bruit des balles nous électrise, nous enrage presque, et nous rétorquons de notre mieux. Le premier qui tombe blessé à la tête, est le capitaine Arnold de la compagnie A du régiment canadien. On le place sur un brancard (streter bearer) et on le transporte hors des lignes. Hélas! son exemple fut suivi par d’autres; a toute minute nous voyons tomber de nos braves Canadiens, les uns blessés légèrement, les autres grièvement..............
A une heure, nous avançons de quatre cents verges. Les morts et les blessés se comptent alors par centaines. C’est horrible à voir. La fusillade ralentit du côté des Boers et nous nous demandons s’ils ne sont pas à retraiter, ou s’ils n’attendent pas plutôt le moment propice pour recommencer le feu. A quatre heures les Boers recommencent l’attaque d’une façon terrible. Nous sommes couchés par terre et c’est quelque ehose de lamentable que les cris et les gémissements des blessés qui parviennent à nos oreilles. Nous ne pouvons pas leur porter secours, la bataille se continue, terrible, meurtrière. Il est cinq heures et notre vaillant et brave commandant, le major Oscar Pelletier, donne ordre à la compagnie F de marcher à pas redoublés dans la première ligne du feu. Celle-ci obéit à l’instant à son chef qui donne l’exemple de la bravoure et du devoir. C’est à ce moment que nous voyons la mort approcher, mais nous courons au-devant en vrais soldats. A peine avais-je fait vingt pas qu’une balle m’atteignit à l’épaule droite et que je vis un flot de sang sortir de ma blessure............
N’importe si nous avons eu de la misère, si nous avons versé du sang, nous nous en consolons en songeant que nous avons remporté la victoire et mis Cronje prisonnier avec une partie de son armée. Puisse cet événement hâter la fin de cette guerre meurtrière. Dans cette journée du iS les Anglais ont eu trois cent cinquante morts et quatre-vingts blessés. J’aimerais beaucoup te donner beaucoup plus de détails, mais je me sens trop affaibli. Dans quelques jours je pourrai t’écrire plus au long. Ne prends pas d’inquiétude, ma blessure va bien, elle commence à se cicatriser et j’espère pouvoir sous peu reprendre mon service et rendre le change aux Boers. C’est si beau la revanche, quand on est militaire…
Bloemfontein, 8 avril. — Je t’avouerai que ceux de mon régiment qui ont eu à combattre sans interruption depuis le 18 février et qui n’ont pas été blessés dans ces batailles ont plus de mérite que mes camarades et moi, blessés à la première bataille de Paardeberg ; car ceux-là ont eu à souffrir de la faim, de la soif, des fatigues et de la maladie. Quand je te dirai que quelques-uns d’entre eux se trouvaient fiers quand ils pouvaient trouver un mouton mort de maladie, ou bien de la fleur mêlée de boue et d’eau qu’ils faisaient cuire dans de la graisse de bottes…C’est la plus dure campagne qui se soit jamais vue jusqu’à ce jour, disent les officiers anglais. Mon régiment reviendra au Canada avec les lauriers de la victoire, car nous avons fait de l’ouvrage qui a réussi. Notre brigade ainsi que notre division a été victorieuse jusqu’aujourd’Hui. A ma compagnie (F) revient l’honneur d’avoir capturé Cronje et quatre mille prisonniers; à mon régiment, d’avoir repoussé l’ennemi jusqu’à trente milles de Bloemfontein, et j’ose espérer que nous serons victorieux jusqu’à Pretoria, où là nous pourrons chanter tranquillement la chanson composée par mon cher ami Donohue: The Jolly Musketeers, chanson qui égaie nos marches et nous donne de l’électricité dans les jambs…
A SA SCEUR. — Bloemfontein, 26 avril. — …Je viens causer quelques instants avec toi, car je suis seul ici, mon régiment étant parti depuis quatre jours qu’il combat les Boers. Lorsque le régiment s’est formé pour la parade avant le départ, je m’étais mis dans les rangs pensant qu’on ne m’apercevrait pas. A l’inspection, on me fit sortir des rangs ne me trouvant pas assez fort pour entreprendre la marche. Aussi j’enrage! Quoique les nouvelles soient bien difficiles à avoir, je puis te dire que lord Roberts ne peut plus se passer des Canadiens, tant il apprécie leur courage, leur bravoure et leur endurance…
A SON PÈRE. — …J ‘ai oublié de te dire que quelques minutes avant de traverser la Modder River à pied, le 18 février, pour prendre notre position sur le champ de bataille, le général Smith-Dorien, brigadier général de notre division, est venu trouver le colonel Otter et lui a dit: I am proud that your régiment, the Royal Canadian, under my cornmand today belong to the same Empire that I belong, et continuant: — No, no, I want to say… That I am proud to belong to the same Empire that the Royal Canadian belong…
MORT AU CHAMP D’HONNEUR! — Lt Soleil publie à l’occasion de la mort du fils de notre ami, le Dr Léonidas LaRue, de Québec, un article remarquable dont nous nous plaisons à citer les passages suivants: — Que la mort de ce jeune homme soit donc une leçon pour les fanatiques qui nous dénoncent comme des sujets déloyaux, parce que nous continuons à aimer la France, tout en restant fidèles à l’Angleterre. Voici un enfant de Québec, de cette vieille ville française, un Canadien-français lui-même, appartenant à l’une de nos meilleures familles, qui abandonne une jolie position à la banque Nationale, pour aller défendre le drapeau britannique. Après toute espèce de privations et de misères, il est blessé; il va plus tard mourir à l’hôpital, loin de tous ceux qu’il aime. Et c’est en face de pareils dévouements, de pareille générosité que l’on oserait accuser notre race de déloyauté? Allons donc! Est-ce que le sang versé par les nôtres n’est pas plus éloquent que les flots d’encre répandus par ceux qui nous insultent?
Pauvre Lucien LaRue! Il est mort au moment où nos soldats sont sur le point de revenir. Il ne connaîtra pas les joies du retour. Cette voie triomphale, cet innombrable peuple, ces acclamations semblables au bruit de la mer, les fleurs sur les armes victorieuses, ces soldats si graves au milieu de leur gloire, si brillants dans leurs habits fatigués, si modestes sous leurs blessures, il ne verra pas cela.
C.U.
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